C’est sur le thème de l’écologie, et surtout des changements qu’il est grand temps d’apporter à nos comportements, qu’était centrée la 97ᵉ rencontre des Semaines Sociales de France (SSF) qui s’est tenue à Lyon, du 24 au 26 novembre dernier.
Vous avez bien lu : 97ᵉ rencontre, la première ayant eu lieu, déjà à Lyon, en 1904. Son comité d’organisation comprenait un Marseillais, Etienne Estrangin, qui venait de participer la même année à la création du Secrétariat Social de Marseille (SSM), qui est encore aujourd’hui une antenne des SSF.
Organisées dans les locaux récents de l’Université Catholique de Lyon, ces trois journées très denses ont été suivies par un public varié : 550 sur place et 750 en visioconférence dans les différentes antennes, dont celle de Marseille, au Mistral.
Le compte-rendu ci-dessous n’en est pas réellement un résumé. Il cherche plutôt à communiquer les impressions et les messages que deux membres du SSM (Christiane Giraud et Jean Rouquerol) en ont retiré et qu’ils ne souhaitent pas garder pour eux !
L’intégralité des conférences et échanges de cette rencontre est accessible en « replay » sur le site des SSF : https://www.ssf-fr.org/
Face à l’urgence écologique, des réponses radicales
Après un message du Pape François soulignant l’insuffisance de nos engagements devant un monde qui s’effrite, la première session a été surtout consacrée à la problématique de cette urgence et de sa radicalisation.
Elle commence, en effet, par une présentation de la réalité scientifique du réchauffement climatique par Gerhard Krinner, Directeur de recherche au CNRS et membre du GIEC. Cette réalité est bien établie : c’est justement pour leurs travaux effectués dès 1960-1970 sur « la modélisation physique du climat de la terre » et « la prévision fiable du réchauffement climatique » que Syukuro Manabe et Klaus Hasselman ont reçu le prix Nobel de physique en 2021.
Plus de doutes, le réchauffement climatique est en majeure partie le produit de l’activité humaine et du CO2 qui en résulte. Il est déjà aujourd’hui de 1,15 °C.
Une bonne nouvelle est que notre production de CO2 a baissé de 7 % depuis 2020. Mais, la mauvaise nouvelle est que cela n’empêchera pas le réchauffement de continuer, car l’effet du CO2 est cumulatif.
L’application des politiques officielles déjà retenues limiterait le réchauffement à 3 °C. Cependant, un réchauffement de 2 °C augmentera déjà le niveau de la mer de 2 à 6 m !
+Cela n’empêche pas l’existence d’un courant climatosceptique qui nourrit des groupes populistes « qui ne veulent pas être seuls à faire des efforts », et qui sont rassurés, comme le dit Isabelle de Gaulmin (Présidente des SSF et Rédactrice en chef à La Croix) par des technologues « pragmatiques homicides ».
Un jeune « militant activiste » de l’association Alterniba Rhône, Charles de Lacombe, nous dit qu’il avait huit ans quand Jacques Chirac disait « la maison brûle et nous regardons ailleurs » mais c’est à 24 ans, en sortant d’une école d’ingénieurs, qu’il a découvert la tragédie du réchauffement climatique. Il dénonce l’inertie, le déni, la fuite des décideurs, des économistes et des politiques. Et clairement, moins on agit, plus des gens meurent !
D’autres jeunes très déterminés en sont conscients dans le monde et agissent de diverses manières, mais souvent efficace. C’est ce que nous a montré en fin de première journée /le film de Flore Vasseur « Bigger than us » qui dévoile notamment la montée de la mer sur Djakarta, capitale de l’Indonésie, dont une partie, à terme, sera engloutie.
La gravité de la situation exige-t-elle des transgressions, des passages à des actions violentes, voire à un échappement de notre cadre démocratique ? Ce n’est pas ce que pense Antoine Seigle- Ferrand, Conseiller municipal et communautaire de la ville de Poligny, dans le Jura et militant associatif. Comme beaucoup d’autres au cours de ces journées, il considère essentiel de gagner l’adhésion du plus grand nombre, plutôt que de les heurter : c’est une œuvre de longue haleine fondée sur les relations humaines, la pédagogie (il est lui-même professeur d’histoire-géo !) et sur la capacité d’échanger sur des sujets conflictuels.
La philosophe Juliette Grange, de l’Université de Tours, explique que le radicalisé veut imposer sa vérité au monde. Il s’oppose à un fonctionnement démocratique puisque, pour lui, la fin justifie les moyens, sans être conscient que ce type de transgression sociale, sans issue politique, est sans chance de succès. En effet, en détruisant le cadre démocratique, la violence détruit la possibilité d’application concrète des réformes.
Lors d’un court intermède, en s’appuyant sur l’encyclique « Laudato Si » du Pape François, Xavier de Bénazé, sj (Référent écologie de la Province Jésuite francophone) et Laura Morosini (Directrice Europe du Mouvement Laudato Si) nous entraînent à toucher du doigt, dans notre vie quotidienne, la crise écologique et les solutions à mettre en œuvre. Un « Livret de l’engagement » nous détaille une série d’actions individuelles parmi lesquelles nous sommes invités à en choisir au moins une et à signer l’engagement de l’appliquer. Nous voilà dans une démarche réaliste et concrète !
Devant cette urgence écologique, qui va nous sauver ?
Une idée directrice de la deuxième session est que nous devons tous agir ; beaucoup de mesures sont d’ailleurs tentées dans ce sens par des responsables politiques ou administratifs, mais il faut admettre que nous avons du mal à nous y mettre.
Pour la sociologue Sophie Dubuisson-Queiller, directrice de recherche au CNRS et membre du Haut-Conseil pour le climat, il est normal que l’injonction à changer de comportement ait peu d’effet si nos cadres collectifs ne s’y prêtent pas, notamment l’organisation du territoire (lieux de travail et de résidence, liaisons) et le fonctionnement de nos institutions.
On voit bien, par exemple, que notre dépendance à la voiture et à un carburant d’origine fossile résulte directement du territoire où nous habitons. Elle n’est pas la même si nous habitons un centre-ville bien équipé en transports en commun ou une banlieue ou encore un espace rural où la voiture est vraiment indispensable pour travailler, faire ses courses, conduire les enfants à l’école, etc. Il faut donc agir sur les cadres collectifs pour changer les pratiques, les injonctions trop fortes risquant d’augmenter le clivage social, comme on a pu le voir avec les gilets jaunes.
Il nous faut aussi changer notre culture consumériste actuelle qui n’intègre pas ce qu’on ne voit pas immédiatement, notamment les retombées sur l’environnement. Nous devons reconnaître que pour faire croître le PIB, on doit faire croître la production, et donc la consommation.
C’est vrai que le monde économique se « verdit », mais c’est pour étendre ses marchés et devenir en réalité plus émetteur de CO2. Par ailleurs, une production à grande échelle, destinée à abaisser les coûts, entraîne souvent une surproduction qui n’est elle-même écoulée que par une baisse de prix supplémentaire qui incite finalement à la surconsommation.
En somme, l’évolution nécessaire de la société ne peut pas s’obtenir à partir des seuls modèles économiques : les décideurs politiques devraient aussi s’inspirer des sciences humaines et passer d’une vision technique à une vision sociotechnique.
Après le rôle des cadres collectifs de notre société est abordé le rôle de la finance qui peut tantôt freiner, tantôt accompagner les évolutions exigées par l’urgence écologique.
François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France (et longtemps, autrefois, membre du Conseil d’Administration des SSF) considère qu’une institution comme celle dont il a la charge doit pouvoir encourager, aider et parfois même obliger au changement.
Elle est effectivement engagée dans la transition écologique et a fortement contribué à faire considérer par les organismes financiers internationaux le risque climatique comme un risque financier. Il en résulte que la Banque de France est classée par les ONG, comme l’une des plus « vertes ».
Il pense toutefois que la décroissance peut être très douloureuse socialement et politiquement et qu’il faut en réalité convertir le type de croissance.
II considère qu’un changement du comportement des entreprises ne pourra être obtenu qu’avec un prix mondial du carbone, ce à quoi sont malheureusement hostiles les USA, les pays émergents, mais aussi, chez nous, les gilets jaunes… La nouvelle croissance devrait s’appuyer sur d’autres indicateurs que le PIB, comme ceux qui sont publiés depuis plusieurs années par l’INSEE, mais bien peu utilisés. Il évoque alors l’abondance frugale telle que la propose Jean-Baptiste de Foucault, c’est-à-dire associée à d’autres formes de développement, notamment spirituel.
La technologie ne peut pas être oubliée dans ce débat : est-elle à l’origine du problème écologique ou peut-elle en apporter la solution ?
Nous aimerions des certitudes qui s’appuient sur des innovations technologiques et des vérités scientifiques, mais nous sommes ici invités au discernement et à la nuance.
Complétées par une énergie nucléaire en lente extension, les énergies renouvelables telles que les énergies hydrauliques, géothermique, éolienne, ou photovoltaïque, et telles que l’hydrogène vert ou le biométhane, devraient couvrir nos besoins en énergie, surtout s’ils sont plus modérés.
Tous les problèmes ne seront pas résolus pour autant. Il est évident qu’il faut augmenter notre parc de transports en commun pour limiter l’usage de la voiture individuelle. Il semble impossible que cela repose sur l’énergie électrique, ne serait-ce que parce que nos ressources en cobalt ne permettent pas la fabrication des batteries qui seraient nécessaires. Une source d’énergie fossile telle que le gaz naturel parait encore incontournable…
Par ailleurs, le développement de ces transports en commun nécessiterait une plus grande volonté politique : la taxe de transport payée par les entreprises est certainement une bonne chose, mais elle n’atteint que 20% des 50 milliards d’euros de taxes payés par ces transports.
Par ailleurs, la fraude fait perdre annuellement 700 millions d’euros. Ce problème est réglé à Barcelone par la reconnaissance faciale, mais celle-ci est interdite en France où la préservation de la liberté est plus importante. D’un autre côté, la disparition des billets, au cas par cas, pourrait être un bon moyen de faciliter l’utilisation des transports en commun.
De son côté, l’agriculture est à la fois est victime (notamment par la sécheresse) et productrice (par le méthane des ruminants, le chauffage des serres, le fonctionnement des machines agricoles) du changement climatique.
Pour corriger cela, elle a de grands besoins technologiques. Il faut, en effet, développer, par la recherche génétique en biologie végétale, des espèces résistantes capables de s’adapter au manque d’eau.
Il faut aussi changer le modèle de production : faire un usage modéré des « intrants » ; associer des plantes capables de s’entraider (comme c’est le cas dans le verger expérimental d’Avignon) ; imaginer de nouvelles machines pour désherber et de nouveaux robots pour rendre la profession d’agriculteur plus attractive et inciter de jeunes agriculteurs à s’installer.
La technologie nous aide donc dans la transformation sociale. Mais, à condition que nous la développions d’une manière éthique, en choisissant les objectifs, en contrôlant les résultats et en évitant de creuser une inégalité entre ceux qui ont accès à l’innovation et ceux qui en sont exclus.
Vers la fin de cette deuxième journée, notre attention a été requise pour suivre la conférence du philosophe Jean-Philippe Pierron sur le thème : Notre lien au vivant. Les propos sont ardus, car de nombreux sous-entendus philosophiques jalonnent des mots choisis pour rendre compte de notre relation au monde de la nature et des autres vivants : relation extractive, relation de domination, relation performante, industrielle qui épuise la nature et cause la mort d’autres espèces.
Comment transformer notre relation, tournée exclusivement sur nous-mêmes, en termes philosophiques anthropocentrique et anthropocentrée en prenant conscience que « notre JE est un NOUS », que nous vivons en relations avec les autres vivants, plantes et animaux.
Le jardin devient un nouveau champ de réflexion, jardinons dans l’esprit de créer des relations empreintes du souci du vivant, soyons ouvert à la diversité et à la vulnérabilité de la création.
Au cours de cette deuxième journée, la phrase de « Laudato Si » mise en exergue était : « On répond aux problèmes sociaux par des réseaux communautaires, non par la simple somme des biens individuels » (Laudato Si 219). Le « livret de l’engagement » détaillait diverses manières d’être actifs collectivement (dans notre paroisse, notre famille, auprès de nos amis, auprès de plus jeunes que nous…) parmi lesquels nous étions, comme la veille, invités à choisir celle sur laquelle nous nous engagions.
La journée s’est terminée par un hymne à la création, sous la forme d’une belle production artistique où étaient projetées des peintures réalisées par un groupe inattendu d’hommes et de femmes désinsérés socialement. C’était une illustration du premier chapitre de la Genèse. La manière dont elle a été réalisée est aussi admirable que le résultat, qui peut être revu en « replay ».
Osons une écologie intégrale
L’enseignement de la Bible. Le père Olivier Artus, Recteur de l’Université Catholique de Lyon, examine comment la Bible, dès les quatre premiers chapitres de la Genèse, écrits voici 2400 ans, nous encourage à la radicalité pour préserver notre maison commune. On y trouve d’abord (Gn. 1,1 – 2,3) un éloge de la non-violence : domination non-violente des animaux par l’homme, interdiction de recourir à l’alimentation animale. Dieu a créé et offert à l’homme un monde pacifique. On peut aussi considérer qu’il a posé une limite à la consommation, avec l’interdiction de consommer l’un des fruits.
Puis le non-respect des conditions données par Dieu entraine notre condition humaine mortelle (Gn 2,5 – 3,24). L’homme se comporte alors en propriétaire de la nature. Enfin, le meurtre d’Abel (Gn 4) montre Caïn incapable de résister à la jalousie et à la violence. Cette dernière est-elle inhérente à notre nature humaine ou peut-on la contrôler ? Oui, par la loi, qui est une voie de résistance à la violence sociale et dont la Bible a plusieurs exemples : loi du Deutéronome remettant les dettes tous les sept ans (Dt 15) et limitant donc le droit de propriété, ou loi Jubilaire du Lévitique (Lv 25) qui supprime les dettes tous les 50 ans, ou encore loi de libération des esclaves au bout de sept ans, avec un petit pécule pour qu’ils puissent repartir… Ces textes sont, nous dit le père Artus, à la racine de la réflexion du Pape François sur l’écologie.
La clameur des pauvres. Le frère Frédéric-Marie Le Méhauté, théologien franciscain, nous encourage à écouter la clameur des Pauvres autant que celle de la Terre. Ils sont dans une précarité radicale, souvent dans une sorte de cumul où toute leur vie est emportée dans le tambour du malheur, comme celui d’une machine à laver.
Ils connaissent la solidarité et ils savent pardonner, n’ayant, en quelque sorte, pas le choix, car ils sont dans une situation beaucoup trop fragile pour supporter la « « guerre » qui résulterait d’un refus de pardonner.
Ils souffrent de ne pas être connus : on ne leur donne pas la parole et ils n’osent pas parler, car ils pressentent qu’on ne les comprendra pas. Ils souffrent surtout de ne pas être reconnus, d’être sans cesse considérés comme incapables, d’être convoqués par des personnes qui pensent savoir mieux qu’eux ce qu’il leur faut.
Or, on peut presque dire que tout ce qui n’est pas fait avec les pauvres, est fait contre eux. Nous ne pouvons pas nous réjouir sans les pauvres : si un seul manque, comment pourrions-nous célébrer un repas de noces ? Nous devons consulter et écouter les pauvres.
Des exemples d’action financière, économique ou politique
Dans l’urgence écologique où nous nous trouvons, des milliers de projets financiers sont à éviter, qui sont malheureusement financés par les banques ou les assurances. Pour arrêter cela, Lucie Pinson a créé, voici seulement trois ans, « Reclaim Finance » afin de bousculer, à l’échelle internationale, les acteurs de la finance pour qu’ils cessent de financer les actions productrices de CO2, ce qui lui vaut d’être présentée comme la «décarboneuse des banques ».
Elle met des noms sur leurs pratiques, aussi bien bonnes que mauvaises, demande un étiquetage des produits financiers et des règlements dissuadant les investissements nocifs. Elle demande aussi que les défiscalisations ne soient données que si les placements sont correctement fléchés. Mais, elle reste réaliste : il ne s’agit pas de fermer les puits de pétrole, mais de stopper leur développement.
De son côté, Bruno Bernard, président « vert » de la Métropole de Lyon, considère que l’écologie est nécessairement radicale, car elle transforme à la fois l’économie, la société et l’environnement.
Il présente les réalisations récentes de cette Métropole, concernant la politique des transports en commun (avec des tarifs solidaires), celle du vélo ou encore celle de l’eau : la Métropole ne souhaite pas « qu’on fasse des bénéfices sur l’eau », aide les agriculteurs à passer en « bio » pour moins polluer la nappe phréatique, aide les industriels à améliorer leurs rejets.
En accord avec plusieurs intervenants précédents, il considère qu’il n’y a aucun sens à imposer un projet à des habitants qui ne sont pas d’accord et n’ont pas été d’abord convaincus.
Directrice Générale d’un laboratoire de dermatologie et de cosmétiques (connu par sa marque Mustela), Sophie Robert-Velue souhaite que son entreprise, comme toutes celles qui ont décidé librement de participer au projet « Entreprises pour le Climat », soit compatible avec l’amélioration du monde et devienne, idéalement « régénérative ».
C’est pourquoi, bien que 20% du chiffre d’affaires de son entreprise provienne des lingettes jetables, elle a décidé que leurs inconvénients pour la société et l’environnement (elles bouchent les canalisations d’eaux usées et détériorent les sols) exigeaient d’en arrêter la production.
Cette société prévoit aussi d’arrêter les envois aériens et, plus fondamental encore, d’arrêter sa croissance. Elle considère enfin que pour rechercher des solutions à des problèmes écologiques, la coopération entre concurrents est essentielle et qu’elle ne devrait déboucher sur aucun brevet.
Les créateurs d’entreprise ou d’association qui désirent être respectueux de l’avenir de la planète et promouvoir une société écologique et solidaire ne sont pas laissés seuls : ils peuvent être solidement épaulés par « Anciela », qui joue le rôle de pépinière, ou par « l’Institut Transitions », qui donne des formations à la transition écologique, comme nous l’apprend leur co-fondateur enthousiaste Martin Durigneux. Nous sommes surpris de l’entendre dire que toutes les entreprises ne doivent pas changer. La raison est toutefois sans appel : c’est tout simplement, nous dit-il, que beaucoup doivent disparaître, car elles sont inutiles.
Au matin de cette troisième journée, c’est une phrase de « Laudate Deum » qui a été retenue : « La transition nécessaire vers les énergies propres comme les énergies éolienne et solaire, en abandonnant les combustibles fossiles, ne va pas assez vite » (Laudate Deum 55).
Le « Livret de l’engagement » nous propose pour cela de voir de près avec notre banque comment ne pas investir dans l’énergie fossile et, si nécessaire, de changer de banque.
Nous apprenons aussi que le collectif chrétien écologique « Lutte et contemplation » organise le jeudi suivant un Cercle de Silence devant le siège Lyonnais de la Banque Populaire, car elle finance Total et des exploitations de gaz de schistes.
Comment réaliser une transition écologique qui soit juste envers les plus précaires ?
Interviennent à cette session :
- Boris Le Hir, du Commissariat au Développement Durable,
- Sylvie Bihari-de Portugal, Présidente du CCFD Terre solidaire,
- Marine de Guillermo Weber, de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques,
- Michelle Gaëlle Abbé, étudiante Camerounaise.
Ils soulignent tous que les plus précaires (en France et dans le monde) sont les plus touchés par la crise climatique, alors qu’ils en sont les moins responsables, <l’empreinte carbone> augmentant systématiquement avec le revenu des ménages.
Le changement climatique qui compromet fortement les récoltes est une des causes importantes de sous-alimentation dans le monde. Cette situation s’aggrave quand une partie de la récolte est destinée à un pays étranger tel que la Chine pour laquelle le Cameroun produit du riz. Comme dit Michelle Gaëlle Abé, « L’Africain a le sentiment d’être celui dans lequel on puise la nourriture, mais sans la mettre dans sa bouche ».
L’Afrique est le continent le plus concerné par le changement climatique, la zone Afrique du Nord-Moyen Orient se réchauffant notamment deux fois plus vite que le reste du monde. Le manque d’eau devient une source de conflits.
Tandis que la montée du niveau des océans commence à engloutir des villes comme Port-Gentil au Cameroun (ou Jakarta, en Indonésie, comme le montrait le film « Bigger than us » vu le premier jour). Le déplacement de villes entières qui en découle nécessite un financement solidaire international, par exemple, par une partie de la taxe carbone.
Ces dérèglements entraîneront nécessairement une immigration vers l’Europe, sans doute surtout depuis l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient.
Plusieurs considèrent que l’Occident cherche à faire survivre son système à l’aide de progrès techniques, alors qu’en réalité seule la sobriété peut résoudre le problème.
Au cœur de cette dernière demi-journée, il nous est proposé, à la suite de Laudate Deum, d’intérioriser notre conversion écologique dans notre vie spirituelle. Et, de décider de prendre pour cela, à l’avenir, le temps nécessaire, soit dans le silence (sans téléphone mobile !), soit dans la prière, soit seul, soit avec d’autres (famille, amis).
En Europe, les changements radicaux maintiendront-ils le contrat social ?
Le dernier débat a eu lieu entre deux députés européens de bords différents : Philippe Lamberts, député Belge, coprésident du groupe Verts/ALE et François-Xavier Bellamy, président de la délégation Française du Parti Populaire Européen (PPE).
Nous n’avons pas assisté au combat qu’on pouvait craindre ou attendre. Avec un christianisme commun et avec une estime réciproque, mais avec des sensibilités différentes, ils ont plutôt illustré ce que pouvait être un débat politique constructif dans une démocratie. Ils ont été d’accord sur l’urgence écologique, sur le fait que pour y répondre, une réforme entrainant une large adhésion était préférable à une révolution.
Ils considèrent également tous deux qu’il est temps pour l’Europe de retrouver une autonomie de ressources et de production. Elle doit avoir, dans son comportement écologique, un rôle d’autant plus exemplaire que pendant un siècle, elle a été le principal pollueur de la planète.
Ils ont pareillement voté ensemble en juin 2021 la loi européenne sur le climat (le Pacte Vert pour l’Europe ou « Green Deal ») qui rend contraignant l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % en neuf ans. Tous deux la considèrent toutefois embryonnaire étant donné les besoins.
Bien sûr, comme le souligne P. Lamberts, chaque parti a ses préférences (ou son domaine d’excellence) : le PPE défend très bien l’économie et les Verts défendent très bien la planète. Ceci les conduit à une certaine divergence.
Ainsi, les Verts insistent pour une forte diminution de l’utilisation des pesticides et des engrais. Tandis que le PPE veut éviter que ces règles contraignantes qui diminuent la production agricole européenne n’obligent à augmenter les importations de fruits et légumes eux-mêmes produits et traités de la manière interdite en Europe.
De même, les Verts insistent sur les mesures à prendre en Europe pour réduire nos émissions de CO2, tandis que le PPE veut éviter que ces mesures ne finissent de désindustrialiser et d’affaiblir l’Europe sans aucun résultat positif pour la planète.
Si nous continuons à acheter à l’Asie ce que nous refusons de produire chez nous : c’est en partie pour répondre à notre demande que l’année passée, la Chine a mis en service deux nouvelles centrales à charbon par semaine.
Sans doute conscients que chacun détient une part de vérité, ces deux députés estiment que c’est une richesse de la démocratie de pouvoir fournir des points de vue différents. Et, ainsi, d’arriver à les rendre complémentaires en mettant le curseur au point milieu, ce qu’ils essayent de faire, P. Lamberts soulignant l’importance de lutter contre la polarisation de la société (qui ne peut que conduire à son effondrement) et d’obtenir les changements nécessaires par le résultat d’une intelligence collective.
Que conclure ?
Isabelle de Gaulmyn, Présidente des Semaines sociales de France, esquisse une conclusion.
Le terme de changement « radical » lui paraît finalement bien adapté, mais à condition de ne pas encourager l’extrémisme et de ne pas accentuer les clivages. Elle pense que ce terme nous incite à partir de la racine, c’est-à-dire du pauvre, du plus vulnérable.
Il lui apparaît aussi que la politique des petits pas ne suffit plus. Il est nécessaire d’agir au niveau politique, de voter en fonction de critères d’écologie sociale. Les progrès dans ce domaine pourraient être suivis par un observatoire inter-associations chargé de les apprécier de manière objective.
La fiscalité à appliquer au carbone est un thème sur lequel les SSF, lieu de réflexion indépendant des autorités ecclésiales, pourraient réfléchir.
Il faut bien sûr éviter à la fracture générationnelle de se creuser : que les plus anciens sachent échanger avec les plus jeunes, à la fois pour partager une part de leur colère et de leur passion et aussi, pour être prêts à les soutenir dans les actions qu’ils vont avoir à engager.
Étant donné l’importance de l’exigence écologique, Isabelle de Gaulmin se demande s’il ne serait pas opportun de l’inscrire dans le nom des SSF qui deviendraient, pourquoi pas, les « Semaines Écologiques et Sociales de France »…à condition de ne pas trop bousculer cette vieille dame de bientôt 120 ans.
Elle nous annonce enfin que la prochaine rencontre des SSF aura lieu en automne 2024 à Paris et sera centrée sur le « Travail » sous tous ses nouveaux aspects.
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