Parc de la Maurelette

Copropriétés privées,
relais de l’habitat social ?
Compte rendu
26 septembre 2020

André Jollivet : Président honoraire de la maison de l’architecture et de la ville (MAVPACA),
Ouissam Htira Président du Conseil syndical de la Maurelette,
Ahmed Meskali Conseil syndical de la Maurelette

(Compte rendu établi par François de Bez et Jean Rouquerol)

Nous nous sommes retrouvés en nombre au Mistral, malgré le Covid. Le sujet se situe dans le prolongement du rapport sur la pauvreté à Marseille de Mai 2018 réalisé par le SSM. Il est présenté à partir d’un cas concret : le Parc de la Maurelette.

  1. Historique rapide du logement social à Marseille, par André Jollivet

André Jollivet est président honoraire de la maison de l’architecture et de la ville.

Le logement social est une question permanente. André Jollivet a toujours milité pour que les habitants soient au cœur du dispositif de leur habitat :

  • Après-guerre, c’est le mouvement des squats et des castors.
  • À partir des années 60, on construit un parc HLM très important sur les territoires agricoles. La ZUP N°1 prévoyait la diversité des habitats et des espaces verts et des équipements. Mais on a construit des tours et des barres, sans équipements publics. Par exemple, il était prévu 10 éboueurs pour 80 000 habitants. Il en aurait fallu 10 fois plus.
  • Dans les années 80, le gouvernement encourage la maison individuelle. Les personnes qui ont un métier et des revenus stables quittent les tours pour construire dans les zones périurbaines. Elles sont remplacées par des familles aux conditions de vie plus précaires.
  • La loi ALUR tente de mobiliser les opérateurs pour réhabiliter les copropriétés dégradées, avec la participation des habitants.
  • On est passé du logement social vertical au logement horizontal, éloigné de la ville. Les services publics sont insuffisants, en particulier les transports.

Il faut repenser la question urbaine, avec la création de petits collectifs, à l’exemple de la Hollande.

  1. Présentation du parc de la Maurelette, par Ahmed Meskali, du conseil syndical.

Le parc de la Maurelette a été construit en 1964 par les frères Chirié, architectes. Le maitre d’ouvrage est le CIL, organisme patronal. Les entreprises du secteur (Haribo, Générale Sucrière…) achètent des appartements qu’elles louent à leurs salariés.

  • Le parc compte environ 2700 habitants, sur 1 superficie de 10 ha. Il y a beaucoup d’espaces verts, des commerces, des associations, un centre de formation, des activités sportives et éducatives. Il est géré par un conseil syndical de 15 membres.
  • À partir des années 80, les classes moyennes quittent les tours ; elles sont remplacées progressivement par des populations plus pauvres. Des impayés à la copropriété explosent, les commerces partent, les dégradations des immeubles augmentent.
  1. Le plan de sauvegarde : de la sécurisation à la restauration, par Htira Ouissam, président du conseil syndical.

En 2014 un architecte de la DRAC présente une étude globale, car La Maurelette est inscrite à l’inventaire des « architectures remarquables contemporaines ».

Cette étude porte sur tous les problèmes de la copropriété : dégradation du bâti et des logements, dettes, consommation d’énergie…

Le conseil syndical s’investit en formant ses membres ; il mobilise les habitants et recherche des ressources financières : location d’emplacements publicitaires, d’antennes relais, panneaux photovoltaïques, économies de chauffage, détachement de parcelles. Ces propositions sont difficiles à réaliser avec notamment un refus de l’assemblée générale ; il y a également des zones boisées inconstructibles…

Le conseil syndical prend en même temps contact avec les responsables institutionnels et politiques (Déléguée à l’égalité des chances, Préfet, Présidente de la métropole, député…). Il entre en relation avec les associations du quartier, le CIQ, le conseil de sécurité d’arrondissement.

La ministre du logement, Emmanuelle Wargon, s’est rendu sur place le 20 juillet 2020.

Suite au rapport de 2014, le conseil syndical a missionné des experts, qui ont mis en évidence des faiblesses structurelles de certains bâtiments. Le péril grave et imminent a été reconnu. La copropriété peut bénéficier du « nouveau programme national de renouvellement urbain » (NPNRU) de 2014, et du Plan Initiatives Copropriétés de 2018, qui ouvre droit à des aides publiques.

Le conseil syndical représenté par son président aux commissions d’élaboration du plan de sauvegarde co rédigent avec les instances en responsabilité ce qui doit être validé par vote des copropriétaires en assemblée générale. La phase de sécurisation démarre officiellement en janvier 2021.

15 % des logements des cinq tours les plus dégradées seront transformés en habitat social.

André Jolivet insiste sur la nécessité de mettre sur la table des problèmes de la copropriété (drogue, incivilités…). Il insiste sur la nécessité d’une relation permanente avec les habitants, en trouvant un lieu de parole ouvert, sans restriction, afin que les questions soient évoquées devant tous et non par des discussions individuelles.

  1. Débats

La deuxième partie de la matinée a donné lieu à de nombreuses questions et discussions, en présence du député de la circonscription, Monsieur Saïd Ahamada :

  • Nécessité de mieux connaître les habitants : pourcentage de copropriétaires et de locataires. Combien d’actifs, de jeunes, pouvoir d’achat ? … La population est très hétérogène, et les habitants peu mobilisés…
  • Cause des départs : le délabrement de la copropriété provient des départs des habitants solvables qui n’ont plus souhaités habiter dans un HLM vertical et ont été remplacés par des familles précaires. Les équipements publics étaient insuffisants, l’environnement peu agréable, ce qui a mis fin à la mixité sociale.
  • Les ressources propres : le parc de la copropriété est très grand. Pourquoi ne pas vendre des parcelles ou le transformer en parc public ?

Réponse : il s’agit d’une zone verte, inconstructibles

  • Coût de la réhabilitation. Il n’y a pas encore d’estimation globale du coût de l’opération prévue sur dix ans, ni en termes de dépenses publiques (subventions, mobilisation de fonctionnaires…) ni en coût pour les copropriétaires…

Réponse : à ce jour il n’y a pas eu de chiffrage

  • Utilisation des appartements. Pourquoi les sociétés propriétaires à l’origine ont revendu ? Y a-t-il des marchands de sommeil ? Des copropriétaires qui ont quitté les lieux et louent leur appartement ?

Réponse : les appartements sont bon marché. Ils intéressent les marchands de sommeil. Des propriétaires, qui ont quitté les lieux, préfèrent louer que vendre.

  • Cependant, ces locations permettent de ne pas mettre des populations précaires, notamment immigrés, à la rue… la copropriété privée est un véritable relais de l’habitat social…
  1. Conclusions

André Jolivet insiste sur la nécessité de connaître à l’avance le coût de l’opération et pour que chaque copropriétaire sache ce qu’il va payer.

C’est la collectivité qui paye les marchands de sommeil, par l’intermédiaire de l’APL.

La loi SRU, qui prévoit 25 % de logements sociaux pour Marseille, devrait s’appliquer par arrondissement et non globalement sur le territoire de la ville. Ce serait un moyen pour mieux répartir les logements sociaux sur l’ensemble du territoire de la commune, alors qu’actuellement ils se concentrent sur les quartiers nord et que les quartiers sud en sont relativement dépourvus. Cette situation est une des causes des inégalités à Marseille.

La maîtrise d’œuvre sociale, qui est peu coûteuse permet de mieux connaître les populations. Cette étude était faite pour le parc de la Maurelette, mais une nouvelle étude est demandée…

Monsieur le député Saïd Ahamada est d’accord pour l’application de la loi SRU par arrondissement. Il insiste pour que l’intervention publique doit être soit la plus rapide possible pour éviter la dégradation du bâti, mais également de l’image de la ville.

L’éventualité de l’achat de la copropriété par une collectivité publique risque d’entretenir un abandon de l’entretien.

Il estime qu’il faut absolument un projet complet d’urbanisme pour Marseille, qui mette en valeur plusieurs « centralités » afin de permettre aux habitants d’avoir à proximité tous les éléments d’une vie sociale normale : transports, écoles…

Le nombre de copropriétés dégradées sur Marseille est estimé à cinq (cf. Le Mail notamment). Elles doivent être inscrites dans des programmes de réhabilitation.

In fine, les participants remercient vivement MM Jollivet, Meskali et Htira pour leurs exposés particulièrement éclairants sur cette dimension des copropriétés dégradées à Marseille.

  1. Propositions du Secrétariat social de Marseille

Après ce samedi matin, Le Secrétariat Social de Marseille propose les actions suivantes :

  • Application progressive de la loi SRU, par arrondissement, pour les Métropoles. À Marseille, le pourcentage de logements sociaux est de 20,3%, mais avec 37% pour 3 arrondissements des quartiers Nord, et seulement 8% (!) pour 5 arrondissements des quartiers Sud.
  • Mettre en place un soutien juridique et fiscal pour les syndics et conseils syndicaux des copropriétés privés, particulièrement pour les plus en difficulté.
  • Octroi de prêts relais pour les propriétaires du parc social privé. À Marseille, un propriétaire sur cinq de ce parc vit sous le seuil de pauvreté.
  • Mise en place pour Marseille et la Métropole d’une agence immobilière à vocation sociale ; ainsi que pour toutes les communes de France ayant la même problématique.